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28/03/2017

#FranceIA : une stratégie pour la France en intelligence artificielle !


Temps de lecture : 7 minutes
Quantmetry.com : #FranceIA : une stratégie pour la France en intelligence artificielle !

Quantmetry a participé à la rédaction du rapport #FranceIA, commandé par le gouvernement français (1) en janvier 2017, et remis officiellement au Président de la République mardi dernier à la Cité des Sciences et de l’Industrie (voir ici pour le rapport complet et ici pour une synthèse). L’objectif affiché des travaux était d’émettre des recommandations d’action publique afin de favoriser le développement d’une filière solide d’intelligence artificielle (IA) en France, et éviter ainsi d’être une « colonie numérique » de pays tiers.

Les enjeux sont énormes : transferts de connaissances entre recherche et industrie, cohérence de la filière, financement des projets, souveraineté nationale et européenne, transport du futur, santé, ou encore impacts économiques et sociaux ne sont que quelques un des thèmes abordés par les différents groupes de travail, dont les discussions ont été consolidées avant publication.

Nous avons principalement contribué à trois groupes de travail : des interviews pour alimenter la section sur la formation, un copilotage du sous-groupe sur la continuité de la filière IA et le rôle des intégrateurs, et une participation aux préconisations sur les véhicules autonomes.

Groupe de travail « Formation »

L’état des lieux sur le chantier des formations a permis de relever :

  1. L’inhomogénéité de la maturité des acteurs et des expressions des besoins sur l’IA

  2. La nécessité de former et de sensibiliser les décideurs

  3. La nécessité de cartographier les formations existantes en réponse aux besoins

  4. La nécessité de développer en profondeur les moyens de formation et de construire une attractivité nationale sur la discipline

  5. L’importance des leviers d’acceptabilité et d’intégration de l’IA dans l’économie et la société

Les principales recommandations du groupe entre autres ont été de :

  1. Lancer un « plan IA » piloté par l’Agence du Numérique

  2. Introduire des modules autour de l’IA et ses enjeux dans les filières de management et de service de l’État

  3. Initier les jeunes enfants à l’interaction avec les IA dès l’école primaire via des modules adaptés.

Par ailleurs, des fiches de formation ont été définies pour différents modules prêt à l’emploi : initiation à l’IA, IA théorie et pratique, et l’IA en entreprise.

L’objectif est que l’ensemble de la société, en particulier les décideurs, soient conscients des enjeux, des impacts et des solutions apportées par l’IA.

Groupe de travail « Intégrateurs » (2)

Les intégrateurs et sociétés de conseil sont à l’interface des besoins clients et des technologies. Leur rôle d’intermédiaires entre, d’une part, les chercheurs et start-ups développant des technologies et, d’autre part, les clients utilisateurs, est très important dans la chaîne de valeur de l’IA, et recouvre plusieurs aspects :

  1. Ils assurent la convergence entre les besoins et les technologies développées en intervenant auprès des concepteurs en amont pour orienter ou susciter des productions cohérentes avec les attentes du marché, et en aval pour structurer la demande. 


  2. Leurs interventions orientées métier leur permettent d’identifier des champs d’application d’une même technologie dans des contextes différents. 


  3. Ils adressent un marché large (collectivités, PME, ETI, grands groupes) où tous les acteurs ne sont pas forcément sensibilisés aux usages possibles de l’IA, d’où des interventions en amont des projets opérationnels sur des cursus de formation, ou dans le montage de projets de recherche (ANR, CIFRE, H2020, etc.). 


Des propositions d’actions ont été élaborées selon trois axes :

1. L’agilité de la filière : viser une dynamique de la demande en convergence avec l’offre technologique, avec cartographie des acteurs, et une capacité à mobiliser les expertises sur des cycles courts, deux éléments clefs dans le processus de transfert. La définition d’un processus allégé pour les financements de quelques centaines de milliers d’euros mobilisables rapidement sur des projets courts (entre 3 et 6 mois) serait de nature à dynamiser la filière.

2. L’accès aux données et plateformes : les outils et données aujourd’hui disponibles sont issus des GAFAIM et n’apportent pas ni le niveau de performance, ni l’explicabilité attendus par le marché européen ; au-delà des enjeux de souveraineté, la structuration d’environnements permettant cette accessibilité est critique pour répondre aux attentes des entreprises avec les technologies locales. L’incitation de l’écosystème à déployer des projets communs client-intégrateur de création et de documentation d’API avec ouverture des données non-sensibles du client aux autres acteurs du marché pourrait permettre le déploiement de ces technologies.

3. L’évangélisation des acteurs : d’un côté, les attentes sidérantes évoqués par la presse et la science-fiction surfent sur les aspects anxiogènes développés tant sur les dimensions du travail que de la révolution de la société jusqu’à la disparition de l’humain. D’autre part, le réalisme pragmatique de ce qui est aujourd’hui effectivement opérationnel semble prometteur mais peu avenant. Entre les deux, un juste milieu est nécessaire pour à la fois susciter une demande « raisonnée » de ces technologies et éviter un rejet de principe sur des outils qui autorisent un développement industriel significatif.

Groupe de travail « Véhicules autonomes »

Les enjeux du véhicule autonome sont connus et le débat sur le sujet est devenu public. Certains problèmes, fortement médiatisés, ont dans la réalité un impact très limité : le fait qu’un algorithme ait un jour à faire un choix entre écraser un piéton ou tuer un conducteur correspond à une conjecture qui n’aura lieu qu’une fois sur un million, et qui ne correspond pas au fonctionnement d’un algorithme de machine learning. Un questionnement sur le même type de situations paradoxales n’a pas empêché de déployer et utiliser de manière généralisée des pilotes automatiques dans des avions. D’autres sujets de fond, néanmoins, restent à traiter.

Les industriels français que sont Renault et PSA mais aussi des équipementiers comme Valeo ont déjà des véhicules autonomes qui roulent sur nos routes. Les pouvoirs publics ont agi rapidement pour permettre aux constructeurs de tester leurs prototypes dans des conditions réelles. Nous ne sommes pas en retard dans ce domaine, bien au contraire. Le groupe PSA a accumulé près de 60 000 km de roulage en autonomie et Renault annonce son système sur des véhicules de série dès 2018.

Quelques exemples de véhicules autonomes de PSA et Renault :

http://news.autoplus.fr/PSA/PSA-Peugeot-Citroen-Voiture-Autonome-Route-1508645.html

https://www.groupe-psa.com/fr/actualites/innovation/voiture-autonome/

http://www.01net.com/actualites/on-a-essaye-la-voiture-autonome-de-renault-sur-routes-ouvertes-1070979.html

https://group.renault.com/passion/innovation/renault-laudace-dans-les-genes/le-vehicule-autonome-a-portee-de-main/

Mais alors, si tout est déjà prêt, pourquoi monter un groupe de travail sur le véhicule autonome ?  En réalité, plusieurs difficultés subsistent et doivent être réglées avant d’envisager de peupler nos routes de véhicules entièrement autonomes.

Le premier défi est constitué par l’explicabilité des modèles d’IA basés sur du machine learning, qui fonctionnent le plus souvent en boîte noire. Autrement dit, ils prennent des décisions sans expliquer clairement pourquoi. Aussi, la première préconisation vise à ajouter aux approches de machine learning des modèles logiques fondés sur les règles capables d’expliquer la prise de décision.

Recommandation 1 : Promouvoir une approche logique complémentaire à l’apprentissage pour la prise de décisions.

La seconde recommandation porte sur une adaptation du code de la route laissant moins place à l’ambiguïté et à l’interprétation. Des règles plus claires (notamment sur les ronds-points) faciliteraient l’utilisation des véhicules autonomes. 

Recommandation 2 : Préciser le code de la route afin de fournir une interprétation sans ambigüité pour le véhicule autonome.

La troisième recommandation porte sur la construction de bases d’apprentissage de qualité et en volume suffisants pour entraîner et tester des IA. L’explosion des données internet a permis aux géants du web d’améliorer leurs algorithmes. Demain, la fiabilisation des IA passera aussi par la constitution de telles bases d’apprentissage. Pour éviter la constitution de monopoles comme on peut l’observer sur le web, cette proposition amène l’idée de former des bases d’apprentissage partagées entre les industriels, les instituts de recherche et les PME pour constituer un écosystème de fournisseurs d’IA qui profitera in fine à chaque acteur industriel français.

Recommandation 3 : Mutualisation des bases de données d’enregistrements des capteurs (caméra, radar, GPS, accéléromètre, etc.) pour la compréhension, l’apprentissage statistique et l’évaluation.

Les véhicules autonomes s’appuient sur des dispositifs de compréhension de leur environnement (caméras, radars) qui sont croisés avec une représentation cartographique de l’espace. Cette complémentarité est essentielle pour que l’IA ne se trompe pas facilement (si demain des petits malins mettent un feu rouge en carton sur une autoroute, comment s’assurer que l’IA ne sera pas trompée ?). La consultation d’une représentation détaillée de l’espace sous la forme de carte est donc essentielle au développement du véhicule autonome. C’est donc le sens de la quatrième recommandation.

Recommandation 4 : Création d’une base de données européenne et des méthodes permettant l’enrichissement des cartographies haute définition des données de sécurité.

Enfin, la cinquième recommandation porte sur la fiabilisation des systèmes embarqués dans le véhicule autonome en reprenant les règles de l’aéronautique et du ferroviaire. Pour les véhicules autonomes que sont les métros automatiques ou les pilotes automatiques d’avion, les règles de sécurité imposent des redondances de systèmes pour éviter les pannes et vérifier les résultats. Ainsi sur un système de métro automatique, deux calculateurs fonctionnent en parallèle avec les mêmes données et si les deux ne parviennent pas aux mêmes conclusions, le système se met en sécurité. Ceci évite qu’un bug ou un mauvais calcul n’aboutisse à un problème plus grave. La cinquième recommandation reprend ces principes d’ingénierie.

Recommandation 5 : Pour l’élaboration d’une réglementation internationale, porter une position proposant une redondance algorithmique dans les véhicules.

À la suite de cet article, nous explorerons prochainement plus en détail la diversité des intelligences artificielles embarquées dans le véhicule autonome.

Pour conclure, nous espérons que les conclusions de ce rapport faciliteront l’émergence et la consolidation d’un secteur pour lequel la France a de sérieux atouts !

(1) Sur le modèle de ce qui a été fait par l’administration Obama aux Etats-Unis (voir ici et ici).

(2) Reprise quasi-verbatim de notre contribution au rapport.

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