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21/06/2018

Le Big Data au service de la santé


Temps de lecture : 6 minutes
Quantmetry.com : Le Big Data au service de la santé
La dissection de l’IA ✚ / 🖥

La médecine prédictive et l’impact de l’intelligence artificielle (IA) dans le domaine de la santé sont très présents dans l’actualité. Dans son récent rapport “Donner un sens à l’intelligence artificielle” Cédric Villani souligne par exemple “Le développement de l’intelligence artificielle stimule l’innovation en santé à la fois thérapeutique et pharmacologique”. En effet, le médecin comme l’algorithme d’IA ont une démarche très empirique, basée sur l’observation et l’analyse d’un historique. La leçon d’anatomie du docteur Nicolaes Tulp illustre bien cette approche très pratique. La médecine, à l’instar des algorithmes, se base sur les observations passées pour établir son diagnostic.

Pourtant, une différence fondamentale les oppose. La médecine est un art qui suppose de l’intuition et de la créativité, là où l’IA n’est que pure logique. La médecine suppose ainsi une approche intuitive, sensible et humaine qu’une IA ne peut reproduire. En effet les symptômes caractéristiques d’une maladie se manifestent différemment chez chaque individu. Certains symptômes caractéristiques peuvent parfois même être absents. Le talent du médecin réside en sa capacité à interpréter les signes en les confrontant au patient mais aussi aux précédents cas qu’il a pu rencontrer. On ne saurait donc apprendre la médecine dans les livres : c’est une expertise qui se construit par l’expérience.

Néanmoins, l’IA a beaucoup à apporter en santé dans la proposition d’un nouveau paradigme. Cette promesse, c’est de recentrer la médecine sur le diagnostic, le traitement et le prognostic sur l’individu, en tant que personne; d’apporter une médecine personnalisée et efficace, pas pour l’ensemble d’une population, mais pour chaque individu qui la compose. Quand les statistiques nous apprennent que le cancer du sein touche une femme sur dix, l’IA s’intéresse à l’individu. Connaissant ses antécédents, ses symptômes, quel est son propre risque de développer un cancer du sein ?

Intéressons-nous dans la suite de cet article à l’impact de l’IA sur les différentes phases du parcours d’un patient : la prévention, le diagnostic, la prise en charge thérapeutique et le pronostic.

Prévention

Une bonne prévention c’est bien sûr une meilleure compréhension d’une pathologie. En effet, en cherchant à détecter précocement l’apparition d’une maladie, on en apprend beaucoup sur les causes de son apparition. Les données collectées par les dispositifs médicaux connectés peuvent être, avec le consentement éclairé du patient, utilisées à des fins de recherche par les équipes médicales et scientifiques. Ces nouvelles données de santé sont précieuses pour l’amélioration de la connaissance autour d’une pathologie et représentent une étape supplémentaire vers une prise en charge globale de meilleure qualité.

Les techniques d’IA couplées au développement croissant des objets connectés vont faire entrer la prévention médicale dans une nouvelle ère. En effet, l’Internet of Things (IoT) augmente et démocratise la collection de nombreuses données de santé chez les patients, qui sont ensuite stockées de manière sécurisée et mises à disposition des médecins. Les dispositifs médicaux connectés se multiplient ces dernières années, permettant la collecte de données de santé génériques mais également spécifiques pour mieux prévenir et anticiper des pathologies très précises. Par exemple, des prototypes de vêtements connectés à destination des épileptiques font leur apparition sur le marché, au même titre que des manchons connectés visant à prévenir l’apparition des oedèmes lymphatiques. Ces objets connectés médicaux sont en phase de révolutionner la prévention de  nombreuses pathologies. Ils permettent un suivi personnalisé et au fil de l’eau, bousculant le paradigme du suivi ponctuel existant jusqu’alors.

Mais la simple collecte de ces données ne sert pas directement la prévention. C’est là que l’IA entre en jeu. Des algorithmes peuvent être pensés pour donner des alertes aux médecins et aux patients en fonction des habitudes de ces derniers : c’est l’ère de la personnalisation de la prévention. Chaque personne équipée a sa propre physiologie et son propre mode de vie qui peut très largement faire varier la pertinence d’un système d’alerte fixe, basé sur un seuil global. Les algorithmes statistiques développés dans ce but peuvent prendre en compte de nombreux facteurs pour personnaliser et adapter la prévention.

Diagnostic

La promesse de l’IA est de permettre une aide au diagnostic. En mémorisant des centaines de caractéristiques sur des individus, elle peut appréhender des relations complexes entre des variables qui permettront de dresser le bon diagnostic. Cette promesse est celle de se faire la mémoire des médecins. Quand un médecin rencontrera certaines pathologies extrêmement rares une seule fois dans son existence, l’IA la rencontrera autant de fois que les médecins qui y contribuent et sera donc à même d’établir ce diagnostic. Ceci suppose que le médecin ait tous les éléments pour comprendre et interpréter les résultats proposés par l’IA. Il doit pouvoir retracer le cheminement qui a amené l’IA a suggérer un diagnostic. Toutes ces tâches automatisées suppose également une précision contrôlée très finement. Les algorithmes sont aujourd’hui peu adaptés à ces contraintes antagonistes. Les exigences en intelligibilité se faisant souvent au détriment de la précision. Dans le domaine médical, de nouvelles approches de l’IA sont donc à considérer. On parle par exemple d’active learning, où l’algorithme proposerait des diagnostics systématiquement validés par un “oracle”, en l’occurrence le médecin. De telles solutions apporterait une meilleure lisibilité et capacité d’interprétation des algorithmes. De telles méthodes permettraient un gain de temps considérable pour les médecins et lui permettrait de se concentrer sur les tâches vraiment importantes.

Prise en charge thérapeutique et pronostic

La personnalisation est au coeur d’une révolution dans la prise en charge thérapeutique et le pronostic des patients. Les techniques d’IA nous permettent aujourd’hui de mieux comprendre les pathologies et leurs spécificités au niveau individuel pour chaque patient afin de proposer une prise en charge personnalisée. L’IA peut également accompagner les patients plus loin, permettant de mieux anticiper leur rémission et de personnaliser leur accompagnement. Le mode de vie, la physiologie, les antécédents … sont autant de facteurs qui entrent en compte dans cette personnalisation pour le confort du patient. Des pathologies comme le diabète en sont un excellent exemple, car offrant des prises en charge très lourdes et très hétérogènes en fonction des individus.

De nombreux travaux vont aujourd’hui dans ce sens et certains groupes de recherche tentent même aujourd’hui de créer des médicaments personnalisés. L’IA pourrait déterminer très précisément les doses nécessaires de certaines molécules qui pourraient ensuite être créées, à l’aide d’imprimantes 3D, sous forme de pilules sur mesure.

L’IA peut également jouer un rôle dans la compréhension de l’efficacité de certaines molécules ou médicaments existants. Ainsi, des algorithmes peuvent être utilisés pour créer des sous-populations en fonction de la réaction des différents patients à un traitement. A la suite d’un essai clinique apparemment inefficace, ces méthodes permettent d’isoler un sous-groupe de patients sur lequel le médicament s’avère finalement très efficace. De telles méthodes représentent une opportunité forte pour la compréhension d’une maladie et de son traitement mais également un enjeu financier majeur pour les laboratoires pharmaceutiques.

Mais sans donnée, rien de tout cela ne serait possible et les algorithmes ne pourraient réaliser leur promesse. En consentant au don de ses données personnelles, on permet donc d’aider le patient mais aussi l’ensemble de la communauté et de contribuer à la recherche. Pour reprendre l’analogie du docteur Tulp, quand on pouvait faire avancer la médecine en offrant son corps à la science, on peut aujourd’hui offrir ses données, de son vivant, pour aider la communauté !

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